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Julien, sans cravate


Julien Méchin

“Je me rendais malade à faire du présentiel dans une tour à la Défense. Un jour, on m’a reproché de ne pas porter de cravate. C’était un effondrement. J’allais pas être meilleur avec une cravate ! Le ton est donné – Julien est un assoiffé de liberté. En 2008, il a co-fondé Creads – et dépoussiéré le modèle des agences créatives – qui se présente aujourd’hui comme la première plateforme de content marketing, réunissant 10 000 clients dans le monde et 5000 indépendants qualifiés.


La cravate est un accessoire ambivalent, représentation du cadre supérieur par excellence, c’est aussi le symbole des « grosses boîtes », souvent perçues comme des machines, qui écrasent les singularités. Une attache au cou, comme signe de ceux qui entrent dans les rangs.


Rentrer dans les rangs, cela n’a jamais été la préoccupation de Julien : “Je n’ai pas besoin d’une cravate pour montrer que je suis bon.”


Alors à peine diplômé, il claque la porte et fonce loin des tours du quartier d’affaires.

Le saut dans le grand bain


Claquer une porte en ouvre une autre. C’est ainsi que l’idée de Creads a germé dans l’esprit du jeune Julien – âgé alors de 23 ans, et de son associé. “Le constat était simple : d’un côté des entreprises se plaignent largement de leurs agences : pas assez rapide, trop chère, pas assez créative… de l’autre : un vivier de personnalité très créatives chez les freelances. On assistait à des battles de création, réservées à un petit comité de pairs. Notre solution : qu’ils se rencontrent et qu’ils travaillent ensemble de manière efficace.”

« On reçoit un coup de fil le soir, le gars nous annonce qu’on a gagné le concours ! »

L’idée est trouvée, reste à l’exécuter. Avec son associé, ils commencent à en discuter autour d’eux, dressent une première liste de noms potentiels, se renseignent sur les statuts, puis un tournant arrive. “On est au salon des entrepreneurs en 2008 et il y a un concours pour gagner 1000€. On griffonne notre truc en cinq minutes, on le rend, on fait le salon et on rentre. On reçoit un coup de fil le soir, le gars nous annonce qu’on a remporté le concours !” Interview le lendemain : “Ça se concrétise, on nous pose des questions, on émet des hypothèses, on n’avait rien, juste une idée.”

Du premier client à la performance d’un business model


À la fin de l’interview, tout s’accélère, un premier client souhaite utiliser la plateforme, demande l’avancement du projet. Julien et son associé sortent un prototype en quelques semaines, le client est ravi, les choses s’enchaînent, les clients affluent : “C’était magique”. “On a les ressources potentielles [les créatifs] d’une énorme agence. On a eu un avantage concurrentiel rapidement, ça nous a permis de nous faire connaître auprès des freelances et des clients.” Puis vient Uber. “C’était devenu normal pour tout le monde en quelques mois. Et on s’est dit qu’il y avait quelque chose de plus mobile, de plus direct à créer pour qu’on puisse comprendre le besoin du client.” Des processus pour faciliter la compréhension du besoin et le résoudre sont établis, organisés, clarifiés. Puis à la manière d’Uber, la voiture démarre : “on fait un matching sur la plateforme et tout de suite le travail commence”.

« On ne savait pas si on savait nager ou pas, on s’est jeté à l’eau puis on a bougé les bras »

Alors que le souvenir émerge d’une pile d’années accumulées : “C’est bizarre de me revoir, j’ai des frissons”. « En repensant à cette époque, je me revois sauter dans le grand bain. Sans filet. Dopé à l’adrénaline. On ne savait pas si on savait nager ou pas, on s’est jeté à l’eau puis on a bougé les bras et les jambes, on flottait ! Petit à petit, on a réussi à avancer, on s’est perfectionné, on a appelé des coachs, des maîtres nageurs, pour apprendre à nager plus vite. »

Le rapport au risque


La noyade ? Ce n’est pas un sujet. A l’entendre, ce n’est pas un risque qui l’effraie, on dirait presque qu’il n’a peur de rien : “J’ai une aversion au risque faible, je crains pas, j’ai pas très peur.” D’ailleurs, si Julien a un conseil à donner de toutes ces années, c’est de trouver des guides, des coachs. “Essayer de se faire accompagner, c’est pas naturel, t’as un peu envie de le faire tout seul. Il faut s’entourer, il faut être coaché, il faut des contradictions.” Quand on pense au staff derrière un champion, l’analogie avec la natation garde tout son sens.

Passer de la relation entre associés à solo-entrepreneur


Par la suite un investisseur rejoint le duo : “On avait besoin de structurer, de cadrer les choses et de passer dans une autre catégorie. On a fait entrer un investisseur qui avait ce rôle de troisième.” Aujourd’hui, Julien pilote seul Creads, son associé est parti à la suite d’une divergence de stratégie. Les motifs de cette rupture resteront secrets – résumés en quelques mots : « Je n’ai pas envie d’en parler ».


Au delà des membres fondateurs, la croissance d’une entreprise, c’est savoir intégrer de nouvelles personnes, et aussi se séparer d’autres- y compris quand ce n’est pas notre choix , « évidemment, cela m’attriste qu’une personne souhaite partir. Mais cela arrive. Il faut s’en faire une raison. »


“Dans la vie d’un entrepreneur les épreuves relèvent surtout du psychologique, de l’humain, de la relation. Par voie de conséquence, quand je suis dans la difficulté, cet effort me rapproche davantage de mon cercle direct. C’est ma zone d’oxygène. »

Une éducation sous le signe du dépassement de soi


Aîné d’une fratrie de trois garçons : “quand il y a un obstacle, au lieu de pleurer devant, on va transpirer un peu pour le dépasser. On se donne, on va se bouger. C’est ça mon énergie, c’est comme ça que j’ai été éduqué. Mes parents avaient une présence responsabilisante. » Et Julien d’enchaîner : “Mon moteur, c’est de dépasser mes limites ? Sans cesse me demander si je suis capable de faire ça ou ça. C’est comme ça que je fonctionne. »

Je suis incapable de porter un masque

Julien le dit lui même, c’est un authentique. Il ne peut pas faire autrement. Jouer un rôle ? Impossible. Que ça soit avec ses amis, sa famille ou des clients, il reste lui-même, sincère. C’est ce qu’on ressent à travers les réponses à nos questions. A l’évocation d’un souvenir douloureux, on voit la tristesse le gagner, à l’inverse, un ton enjoué et des sourires apparaissent immédiatement lorsqu’il se remémore d’un événement joyeux. Pas de masque, pas de mise en scène.


Et concernant le prochain challenge ?


Sourire au lèvres : “devenir propriétaire à Paris, qui sait ?”


Et on a bien compris ce qu’il ne portera pas chez le notaire 😉

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