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Laurent, repousse les limites


« Je ne me bats contre personne, si ce n’est moi-même. » La phrase sonnera familièrement à l’oreille de tous ceux qui courent, et plus largement qui pratiquent un sport d’endurance. Chez Laurent Sarrat, président et co-fondateur de Sis ID, elle prend plusieurs sens. Littéralement d’abord : nous avons bien affaire à un sportif. A noter qu’on ne parle pas d’un footing, mais de l’Ironman, le plus long format du triathlon, où l’on signe pour un marathon après une séance de natation et 180 km sur un vélo. De manière figurée ensuite : Laurent construit sa carrière en repoussant sans cesse ses limites. Un rythme qui l’épuise, mais dont manifestement il ne peut s’extraire. Dans le privé enfin, Laurent se révolte contre certains coups du sort – et il le raconte sans craindre de s’exposer, révélant une grande maîtrise.


Treize à table


Bienvenue à Lyon, chez Sis ID, une solution de lutte contre la fraude aux virements bancaires. Cette Fintech-là est « collaborative » : 10 000 entreprises réduisent collectivement leur exposition au risque en partageant les coordonnées bancaires de leurs fournisseurs et clients. Une blockchain privée sécurise l’ensemble.


Une idée séduisante qui, dès l’origine, s’est placée sous le signe de la mutualisation. Quand Laurent Sarrat a créé Sis ID, fin 2016, il n’était pas seul. Treize personnes autour de la table. « Tous directeurs financiers et trésoriers de groupes du CAC 40, raconte le CEO. Ils ont travaillé pour résoudre l’une de leurs difficultés majeures. » Sept entreprises sur 10 seraient victimes de fraude au virement. « Et les trois autres ne le savent pas », plaisante – à moitié – Laurent.


Ce comité pionnier s’est réuni tous les trois mois, jusqu’au lancement de la plateforme. Et ils nous accompagnent toujours aujourd’hui. « Avec mes deux associés, nous avons réussi à réunir des professionnels qui pour certains étaient concurrents, et pour d’autres exerçaient dans des secteurs diamétralement opposés – Colas et LVMH, par exemple. Nous avons un grand sens du collectif. »


Laurent fait preuve d’une empathie marquée pour ceux qui en bout de chaîne, sont les derniers à appuyer sur le bouton et valident le virement. « J’ai croisé des professionnels qui se sentaient très seuls face à cette responsabilité. C’est parfois très douloureux ». Quand on lui fait remarquer que c’est une façon très « humaine » de présenter son offre, Laurent rétorque que nous avons débuté l’interview sans même évoquer sa levée de fonds (5 millions d’euros en janvier) : « Je crois qu’on se rejoint sur l’humain. » Malin.


« Entreprendre est un geste courageux »

Laurent, 48 ans, est un ancien du conseil (Atos, Cap Gemini) et de la DSI de Sanofi Pasteur. « J’ai un passé technique d’ingénieur dans l’informatique. Malgré le poids de ces grosses structures, j’y ai rencontré des gens extraordinaires. J’ai toujours aimé piloter ma barque et Sanofi m’a laissé une certaine liberté. Mais je savais que tôt ou tard je me lancerai dans la création. Alors quand deux anciens camarades de promotion sont venus me trouver avec l’idée de Sis ID, ça a été le déclic. »


Au bout de 20 ans de carrière, avec quatre enfants à la maison, il fallait tout de même respirer un bon coup. « On n’a pas droit à l’erreur quand on entreprend à 48 ans… Vous avez une famille, un crédit, une situation confortable, beaucoup de vacances… et vous savez que vous allez faire une coupe franche dans vos revenus et globalement ne garder que la Mutuelle ! Je pense qu’entreprendre est un geste courageux, très engageant. Mais à aucun moment de cette aventure je ne me suis senti seul. »


Une combativité à toute épreuve


C’est à ce moment de la conversation que Laurent évoque son grand garçon de 19 ans, « lourdement handicapé ». Une histoire qu’il raconte avec douceur et dans laquelle affleurent combativité, opiniâtreté et raison. « Six mois après sa naissance, nous avons appris son handicap et je me suis arrêté de travailler durant trois ans : je me suis lancé dans un programme de stimulation, 6 jours sur 7, avec des bénévoles qui défilaient à la maison. Soyons honnêtes : je refusais de subir. Finalement j’ai cessé de lutter et j’ai accepté le handicap. C’est à ce moment-là que nous avons souhaité un troisième enfant. Et ce sont des jumeaux qui sont arrivés ! »


La résilience : une vertu-clef pour piloter une entreprise


Quelques années plus tard, le CEO qui se tient devant nous évoque la résilience, mais cette fois comme une vertu-clef pour piloter une entreprise « Il faut avoir à la fois beaucoup de confiance en soi, et beaucoup d’humilité. C’est sympa de passer sur BFM Business comme je l’ai fait hier soir, mais ça n’a pas changé la vie de la boîte. J’ai un mentor désormais, un coach, et je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. J’ai l’impression d’être à ma place, de faire ce à quoi j’aspirais. »


Autour de Laurent, c’est une équipe solide qui s’est formée. Avec trois fonctions piliers, dont le Marketing. « Pendant longtemps, j’ai cru que seul le produit comptait, qu’il suffisait d’être meilleur que les autres. Pour moi, le marketing n’avait pas de portée. Mon coach m’a conseillé d’écouter Guerres de Business et… j’ai changé d’avis. »


Autre allié, un « leveur » (Blueprint Partners), qui a permis à Sis ID de monter une série A en pleine crise. « Ce sont nos clients qui nous ont poussés à lever des fonds. J’étais réticent, voire allergique à l’idée – mais ils insistaient : « Vous ne pouvez pas vous dispenser d’une croissance internationale ». Aujourd’hui, grâce à la levée, la solution Sis ID est disponible dans 32 pays »


« Je ne supporte pas la médiocrité »

Laurent sait s’entourer, il n’hésite pas à recourir aux autres – et attend d’eux qu’ils soient brillants. Le niveau d’exigence est élevé : « Je ne supporte pas la médiocrité ». Un dirigeant difficile à suivre ? Sans doute. Il le reconnaît bien volontiers : « J’ai du mal à profiter des victoires, je veux toujours plus. Mais je sais pourquoi je suis là. C’est comme pour l’Ironman : si vous ne vous entraînez pas, vous ne finissez pas. Il n’y a pas de surprise. Et je ne parle pas d’un entraînement qui débuterait un mois avant la course… Si vous ne savez pas pourquoi vous êtes sur le vélo… au 15e kilomètre vous descendez et vous allez au bistro. »

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