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Nicolas, le cuir tanné


Nicolas Bensignor

Nous avons interrogé Nicolas aux tout premiers jours du confinement. Avec cinquante salariés et une activité à cheval entre deux pays, Nicolas a déjà prévu le scénario du pire, tout en conservant son sang–froid : il n’en est pas à sa première crise.


« Le jour où les Polonais ont fermé leurs classes, moi je recevais encore des newsletters pour le carnaval de l’école de mes enfants. En revenant d’un voyage là-bas, je me suis dit qu’on était vraiment “à l’Ouest”, pour le coup. Je suis allé acheter une table de ping-pong pour mes enfants, une semaine avant les annonces officielles de confinement. Et puis 60% de mes collaborateurs sont des ingénieurs : ils m’avaient envoyé des courbes, des projections inspirées des pays voisins. Comme d’autres, j’ai vu venir le confinement quelques précieux jours avant les annonces officielles. »


Tout dépendra de la santé financière de ses principaux clients


Il l’a vu venir, mais pour autant il n’a pas beaucoup de prise sur son déroulé, puisque tout dépendra de la santé financière de ses principaux clients. En 2007, Nicolas Bensignor a fondé Playsoft, une entreprise qui crée des jeux pour mobile et travaille la plupart du temps main dans la main avec les éditeurs (Warner, EA Mobile, Scopely, Jam City, Outfit7…).


D’autres crises sont passées par là


Dès 2008, première crise. « Heureusement, on venait juste de lever un peu d’argent, se souvient-il. Et même, avant ça, avant de lancer Playsoft, j’avais créé ma toute première boîte à l’âge de 26 ans. Trois mois plus tard, j’avais pris de plein fouet l’explosion de la bulle Internet. Un marasme qui a duré trois ans. »


Ce n’est pas tout : fin 2012, un accident interne impliquant le directeur financier de l’époque met Playsoft en grande difficulté. L’entreprise passe de 180 salariés à 90. Une coupe brutale de la moitié des effectifs, qui a beaucoup affecté Nicolas, et lui a permis aussi de consolider ses fondations pour que cela ne se reproduise « plus jamais ».


Le confinement actuel a accéléré le passage au télétravail


Entre Lean start-up et méthode Scrum, Playsoft fait partie des entreprises nativement agiles. Ses collaborateurs sont Polonais et travaillent loin de leur employeur depuis longtemps déjà. Le confinement actuel a accéléré le passage au télétravail, qui devrait perdurer, pour partie, à l’issue de la crise. « Et à l’avenir, nous pourrons aussi nous autoriser à aller chercher des talents partout dans le monde, à voir plus large pour recruter : hors de notre “vivier” polonais. »


« En 2008, nous avions beaucoup moins confiance en l’avenir »

« Par rapport aux crises précédentes, j’ai davantage de visibilité, estime Nicolas. En 2008, nous avions beaucoup moins confiance en l’avenir, dans le sens où le marché des jeux sur mobile était en train d’éclore. A l’époque nous étions convaincus de la pertinence de notre offre, mais il fallait encore en faire la preuve. Cette fois, la crise est d’une autre nature. Nous sommes tous, quelle que soit notre activité, dans l’incertitude. »


« Difficile d’estimer l’impact final de la crise aux Etats-Unis »

80% du chiffre d’affaires de Playsoft repose sur les jeux vidéos vendus à des éditeurs, tous américains. « Il est encore difficile d’estimer l’impact final de la crise aux Etats-Unis, la situation s’est accélérée brutalement. Si elle s’aggrave encore, certains clients pourraient stopper leurs contrats. »


Cette crise va assainir un certain nombre de bulles


« Nous devons agir vite, sous peine de mettre en péril nos entreprises. J’essaie aussi de voir le côté positif de la situation : d’abord, cette crise va assainir un certain nombre de bulles – je pense aux start-up surévaluées. C’est une catastrophe, l’année 2020 est fichue, mais le monde va continuer à tourner. Je remarque aussi combien les caractères se révèlent. Tout le monde n’est pas égal face à la peur. Il est frappant de voir des managers avoir des réactions extrêmes, et d’autres qui restent stables et sereins, alors qu’ils n’ont pas de responsabilité. On découvre sur qui l’on peut vraiment compter. »


Portrait réalisé en Avril 2020 et rédigé avec ♡ par Florence Boulenger.

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