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Guillaume, les Bottes de 7 Lieues

Guillaume de Roquemaurel

Co-fondateur d’Artefact, Guillaume de Roquemaurel est un personnage déroutant, qui trace un chemin manifestement très équilibré entre une ambition assumée et une humilité sincère. Il apparaît rapidement que nous sommes face à un entrepreneur né. Guillaume, raconte ses coups de bluff avec un sourire juvénile, se définit « plutôt comme un moine que comme un chevalier » pour qui « tout ce qui est excessif est insignifiant ».

Il voit dans la fonction du dirigeant « la capacité de se mettre au service des autres ». Pour lui, il est ridicule de transformer les patrons en héros et de « les traîner du pinacle à la boue, comme ce fut le cas pour Carlos Ghosn » : « Tout ça, c’est du théâtre. »

Alors, qu’en est-il en coulisses ?


Un business d’agence fondée sur la donnée


C’était en 2014. A l’époque, Artefact se fait très vite un nom dans le milieu du conseil, en imaginant une nouvelle race d’agence, fondée sur la donnée et sur l’IA – à l’époque, ces termes n’étaient pas encore dans toutes les bouches. « Les piliers d’Artefact, ce sont les sciences, confirme Guillaume. C’est notre signature, notre dénominateur commun à Vincent et moi : nous avons un parcours très similaire. (NDLR Vincent Luciani – co-président d’Artefact) »


Une histoire de rencontre


Après Polytechnique, un début de carrière chez McKinsey où les deux futurs associés se rencontrent avec la même volonté de construire. « Sur la stratégie d’entreprise, nous avons toujours été très alignés. Il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nous. Nous avons les mêmes objectifs. »


En revanche, Guillaume et Vincent ont des caractères différents. Ils ont choisi d’en jouer. « Conscients de nos qualités et défauts respectifs, nous ne voulons pas nous enfermer dans un rôle. Nous n’avons pas le même rapport à l’urgence, ni la même capacité à nous exprimer publiquement. Alors, nous nous imposons une rotation régulière de nos périmètres, pour que la boîte soit exposée à nos deux tempéraments, à nos deux approches. »


« Etre salarié sera toujours un epsilon de l’entrepreneuriat »

Lorsqu’il se penche sur le passé, Guillaume raconte des « errements » : parce qu’il ne savait pas ce que c’était que de monter une entreprise. « Vendre du conseil, quand vous ne vous appelez pas Google ni McKinsey, c’est un défi. Comment vous faites, concrètement, pour trouver des clients et les convaincre de vous verser de l’argent ? Leur annoncer « J’ai monté une boîte », ça ne veut strictement rien dire.


Quand on bascule du salariat à l’entrepreneuriat, on se rend compte que ce sont deux univers distincts. Si vous restez salarié toute votre vie, il peut se passer des choses formidables, mais ce sera toujours un epsilon par rapport au fait de devenir entrepreneur. Moi je n’ai pas beaucoup d’a-priori. Je fais les choses et je vois ce qu’il se passe. »


Une devise : faire et voir ce qu’il se passe


Alors, quand il se lance dans la création d’entreprise, Guillaume teste le marché. « Qu’est-ce que je savais faire ? Un peu de consulting, j’avais fait mes classes. Et à l’époque, il y avait très fort tropisme vers les boites de tech, de logiciels – d’ailleurs c’est toujours le cas car la scalabilité plaît aux investisseurs. Avec Vincent, on a pris les deux paris : conseil et tech. Et on a observé les résultats. »


Développer le conseil sur un mode d’éditeur


Ce sont donc deux entreprises qui naissent, baptisées Augusta et Little Big Data. Elles sont pilotées par deux duos de fondateurs – Guillaume fait partie de ces deux binômes. C’est le conseil qui l’emporte et permet de signer les premiers contrats – à contre-courant de l’écosystème qui pousse vers le logiciel. « Mais du logiciel, n’importe qui peut le faire. Mieux vaut affirmer sa valeur. »


Carrefour figure parmi les premiers clients, en avril 2014. En 2015, les deux structures fusionnent pour donner vie à Artefact, un nom poétique choisi en référence à l’archéologie et à la fouille de données mais qui présente aussi un autre avantage, beaucoup plus pragmatique celui-là : « Un nom de baptême qui commence par un A, ça permet d’être en haut de la liste des entreprises du CAC 40, comme Accor Hotels. En haut de toutes les listes, en fait ! ». « Ensuite on a travaillé avec Danone, reprend Guillaume. C’était une petite traction mais la situation restait précaire : on pouvait gérer un client après l’autre, pas les deux en parallèle. A l’époque, on était déjà 1 à 1,5 million de CA pour 15 salariés. Fin 2016, on était monté à plus de 70 collaborateurs. C’est là que nous avons pris une décision qui n’était pas classique : partir à l’international. »


Les investisseurs ne sont pas friands des entreprises de conseil


Pour cela, il faut de l’argent. Une levée de fonds est lancée, mais les investisseurs rechignent – « toujours pas fans des boîtes de service ». C’est alors que Guillaume et Vincent rencontrent NetBooster, avec qui ils ont deux clients en commun dont le groupe Seb.

« On travaillait main dans la main et on a senti qu’il pouvait se passer un deal entre nous. » NetBooster à l’époque est une entreprise six fois plus grosse qu’Artefact, cotée en Bourse, déployée à l’international et forte de 20 ans d’expérience. Or, ce n’est pas le gros qui va racheter le petit, mais l’inverse !


L’histoire d’un petit qui achète le gros


« Personne n’y croyait, à commencer par notre banquier qui a tout fait pour nous dissuader. C’est une histoire de rencontres, de personnalités. Lors d’un déjeuner, j’ai dit « On n’est pas à vendre, mais on est acheteurs ». C’était un coup de bluff total. Cependant j’ai remarqué qu’en face, personne ne tiquait. Ensuite, on n’a plus donné signe de vie pendant deux mois – on écoutait les conseils du banquier. Mais ce silence a fait monter la sauce et NetBooster est revenu vers nous. Je ne crois pas au caractère héroïque des entrepreneurs – c’était juste un coup de chance terrible. NetBooster n’avait plus de managers (pas de problèmes d’égo) et plus d’actionnaires. Comme on avait abandonné la négociation, ça l’a rendue possible. »


« L’univers des start-up attire des gens trop brillants pour faire des choses trop petites »

« C’est ainsi que du jour au lendemain, l’équipe passe de 100 à 800 salariés, implantés dans 15 pays. Un vrai palier. Mais pour Guillaume, c’est le sens de l’histoire : « L’univers des start-up attire des gens trop brillants pour faire des choses trop petites. Pardon pour le manque d’humilité, mais Vincent et moi, si on avait suivi des carrières traditionnelles, on aurait eu 800 personnes à gérer aussi – chez l’Oréal ou autre. Pour nous, passer à 800 collaborateurs, c’était un retour à la normale, en fait. Ce pour quoi on était faits. Le point le plus important dans le service, c’est le temps. On vend du temps. Comment les 800 salariés organisent bien leur temps ? Et ça revient à comment les 2 fondateurs organisent leur temps ? »


« Quand vous êtes le patron d’une petite boîte, vous devenez plus junior qu’avant »

Même s’il a une belle histoire à raconter, Guillaume se méfie beaucoup des post-rationalisations : « Elles sont toujours très positives ! Mais la réalité, ce n’est pas ça. Quand vous êtes le patron d’une petite boîte, vous devenez plus junior qu’avant. Vous nettoyez les sols, vous commandez du papier-toilette. L’important, c’est de mesurer qu’en devenant entrepreneur, on change de braquet. La valeur, l’argent qu’on peut faire rentrer n’a plus rien de commun avec le salariat. Mais attention, si vous faites une levée de fonds de 5 millions, ils peuvent disparaître en quelques mois, mais les 33% que le fonds a pris sont toujours là. Je suis heureux que nous ayons réussi à ne pas diluer Artefact et à garder les manettes. »


« C’est contre-intuitif votre business peut aller très bien mais vos finances très mal »

La question de la trésorerie ne disparaît jamais, comme dans toutes les entreprises. Et en particulier en temps de crise globale : « Pendant le confinement, notre business s’est très bien porté, sans frictions. Pour autant, si les clients se mettent à ne plus vous payer, la fin de partie arrive très vite. Votre business peut aller très bien mais vos finances très mal. Nous restons vigilants, pour commencer à récolter les fruits des efforts de ces dernières années. »

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