Perfection Game
Edouard Gasser, cofondateur et CEO de Tilak Healthcare, a rendu possible la vision du Professeur José-Alain Sahel en créant un studio de jeux vidéo unique en son genre. Faire rencontrer la médecine et le gaming, il fallait y penser. Faire financer ses jeux mobiles par l’Assurance maladie, il fallait oser. Mais pour Edouard, échouer n’était pas une option. Il mène aujourd’hui son navire vers l’Amérique, et il n’y a aucun iceberg à l’horizon.
Il faut beaucoup de naïveté pour faire de grandes choses
Edouard rêvait de travailler dans la Silicon Valley. Lorsqu’il y fait son premier stage, il tombe amoureux de la tech. C’était avant la French Tech, avant l’avènement du jeu vidéo mobile, avant l’AppStore. On vous parle d’un temps que les moins de vingt ans auraient aimé connaître, car tout était possible. De retour en France avec des étoiles plein les yeux, il rejoint Gameloft, puis ressent ses premiers émois entrepreneuriaux en cocréant une plateforme de recommandation sociale des biens et services, Productism. « J’étais extrêmement naïf, je voulais changer le monde, à la Mark Zuckerberg. Mais il n’y a pas eu de traction, alors j’ai continué ce que je savais faire : des jeux vidéo. »
En dix ans chez Gameloft, Edouard se rend compte de la force de frappe du jeu mobile, qui dépasse largement le simple divertissement. Les prémices de Tilak sont déjà là, sans qu’il ne s’en doute.
« You play, we care »
En 2016, Edouard rencontre le Professeur Sahel, fondateur de l’Institut de la Vision et directeur du département d’ophtalmologie de l’université de Pittsburgh. Celui-ci lui parle de la difficulté de suivre les patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge, une maladie chronique qui peut mener à la cécité si elle n’est pas traitée au bon moment. Il aimerait pouvoir les accompagner à domicile et leur donner des exercices adaptés à leur pathologie, mais comment faire ? Edouard a sa petite idée : à l’ère où les smartphones font partie intégrante de nos vies, il faut créer un jeu vidéo. Outil de diagnostic et de rééducation ludique des maladies visuelles, l’idée de Tilak est belle et bien née.
« La raison pour laquelle on réussit, c’est qu’on détesterait l’idée d’échouer »
S’en suit le parcours houleux du créateur d’entreprise, seul sur son radeau, qui deviendra bientôt une barque avec quelques personnes à bord, « assez folles pour te croire et te suivre ». Les premiers mois sont grisants, comme une relation qui débute. Edouard adore l’horizontalité de la start-up, sa fragilité aussi, et même s’il lutte contre le syndrome de l’imposteur, il s’amuse de chaque étape. « Tu te convaincs un peu toi-même en même temps que tu communiques avec les autres. À notre première conférence de presse, on ne montrait que 5 minutes de jeu, parce qu’à 5’02, le jeu crashait ! »
Puis, l’idéalisation laisse place à la réalité, la première levée de fonds est lancée, il faut cravacher. Après une phase de tests encourageante, Edouard et son équipe obtiennent le soutien de 200 médecins qui prescrivent l’application mobile à plus de 3 000 patients… Et le covid arrive. Investisseurs frileux, levée de fonds retardée, cette période apporte malgré tout son lot d’opportunités. Il faut tenir la barre face aux premières vagues, mais Tilak tient bon.
Le jeu vidéo remboursé par la Sécu
Aujourd’hui, la start-up est un bateau flamboyant, avec 50 personnes dans l’équipage, plus de 1 000 passagers chaque mois, et le plus sérieux des sponsors : l’Assurance maladie. Alors Edouard navigue à vue, il cherche l’Amérique sans savoir exactement à quelle distance elle se trouve. « Le rôle du capitaine, c’est de paniquer quand tout va bien. J’anticipe en permanence la météo de demain, pour savoir si c’est bon pour nous ou pas… Au moment où on annonce de bonnes nouvelles, je suis souvent au max de mon angoisse, parce que le vent peut tourner ! » Une chose est sûre : le bateau Tilak Healthcare va dans la bonne direction, et Edouard Gasser peut se féliciter d’avoir créé un business qui a du sens.
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