L’art de la réussite consiste à savoir s’entourer des meilleurs, disait John Fitzgerald Kennedy. On pourrait penser qu’Alexandre Guenoun s’est appuyé sur cet adage pour lancer Kiro, une startup qui propose des outils technologiques pour construire la santé de demain. Pour permettre aux professionnels de santé et aux patients de rester à l’avant-garde du système de soins, il mise sur la notion d’exigence. Un terme qu’il martèlera mainte fois pour définir ce qui a drivé son parcours. L’exigence du produit, celle qu’on s’impose à soi-même, et celle qu’on retient du travail avec les autres.
Alexandre Guenoun avertit : “je ne suis pas biologiste au départ”. Pourtant, Kiro est une solution qui veut simplifier l’accès et la compréhension de l’information en biologie médicale. Au sein d’une famille de médecin, il explique qu’il a tout de même quelques notions, “en tout cas, une perception”. Quant à ses grands-parents, ils étaient entrepreneurs. Il se rappelle d’une phrase de son grand-père, qui disait que créer des emplois, créer de la valeur c’est gratifiant. Que si les enfants ont des cadeaux à Noël, c’est aussi grâce au travail possible collectivement dans une entreprise. “Je trouve que c’est assez joli comme état d’esprit et c’est quelque chose qui me correspond bien”. Il a besoin de créer. Créer de la valeur, “économique, financière, mais surtout humaine, c’est ça qui est important”. Il donne à la fois l’impression d’avoir été influencé par son entourage, et en même temps d’avoir créé son propre cercle professionnel pour s’inspirer.
Soigner la migraine : l’importance de déceler un problème chronique
Alexandre Guenoun expose rapidement deux constats. Il est persuadé qu’on ne peut pas demander à un patient de s’engager pour sa santé s’il n’arrive pas à la comprendre. Mais parallèlement, il explique qu’on ne peut pas demander à un médecin de vulgariser certaines informations auprès du patient, du fait de son quotidien. “Parce que la demande de soin explose, que les médecins doivent aussi gérer leur cabinet, s’occuper des patients et se former de manière continue, la médecine c’est très complexe ». Déjà avec l’idée d’intégrer l’intelligence artificielle à un domaine de médecine, il se penche alors sur ce problème de transmission d’information en biologie médicale : “l’information en biologie médicale est difficile à appréhender parce qu’elle est multiparamétrique. Ce sont vingt à trente paramètres qui varient simultanément et qui doivent être analysé en sept à huit minutes par le médecin”. Du cote du patient, les données des résultats restent incompréhensibles, et sont distribuées sous une forme qui ne tient pas compte des particularités d’un patient.
« Parce que rien ne remplacera le fait de discuter avec des gens sur le terrain, d’aller à l’hôpital, de comprendre, de se faire challenger par eux »
Pour lui, « la première raison pour laquelle les entreprises meurent, c’est qu’elles proposent un produit qui ne répond à aucun problème ». Il a alors exploré le domaine de la biologie médicale pour identifier ce qu’il qualifie de « migraine problem », faisant référence au concept de Diana Kander dans son livre All in Startup : « lorsqu’on regarde les problèmes, il y a les maux de tête qui passent avec un médicament et puis il y a les migraines, que tu n’arrives pas à soigner avec juste un médicament et qui te donnent envie de te taper la tête contre un mur. Tu serais prêt à tout pour trouver une solution. Ce sont ceux-là qu’il faut aller chercher, ce sont ceux-là qui ont de la valeur ». Le savoir-faire de Kiro, c’est un va-et-vient entre les problèmes rencontrés sur le terrain et les solutions technologiques. Et pour exceller dans ce savoir-faire, il faut questionner les professionnels. « Parce que rien ne remplacera le fait de discuter avec des gens sur le terrain, d’aller à l’hôpital, de comprendre, de se faire challenger par eux ». C’est dans la combinaison entre compétences humaines et digital que résident les solutions, « in fine, rien ne remplacera la main qui se pose sur le bras pour rassurer ».
Pour s’assurer qu’il répondait à un problème chronique avec le concept de Kiro, il parle de près d’une année entière de discussion avec des biologistes pour comprendre leur métier, comme un travail d’équipe initial avant de se lancer.
L’incubation, la phase invisible
Lorsqu’on est entrepreneur, « la question c’est de savoir quand il faut faire all-in, sauf que tu ne sais jamais quand il faut faire ». Et il estime qu’il aurait dû faire all-in plus tôt, « j’ai eu tendance au tout début à m’embarquer dans certaines réflexions et à essayer de contrôler des problèmes complexes par essence. Avec le temps, on apprend à lâcher prise et surtout d’autres questions arrivent très vite que tu n’avais pas anticipées. Quand tu commences à recruter, certains enjeux changent par exemple. Plus vite tu te lances, plus vite tu apprends. Et tu peux le faire sans forcément faire all-in au début ».
« Tu te confrontes à des gens qui ont des problèmes ou qui sont un peu plus en avance que toi, et tu te rends compte que tu es peut-être en train de perdre du temps »
Avec son projet, Alexandre Genoun s’est appuyé sur un incubateur. « Je suis rentré à Agoranov en 2018, ça été un vrai coup d’accélérateur ». Parce que ce genre d’appui peut rassurer mais aussi structurer. Là encore, l’entrepreneur veut tirer des avantages des équipes qui l’entoure : « c’est une fierté de rentrer dans l’incubateur de Doctolib ou Criteo, un incubateur de cette envergure-là, avec les compétences et les gens qui sont à l’intérieur ». C’est l’écosystème offert par l’incubateur qui fait levier pour la prise de décision de l’entrepreneur : « tu te confrontes à des gens qui ont des problèmes ou qui sont un peu plus en avance que toi, et tu te rends compte que tu es peut-être en train de perdre du temps ».
Alexandre Guenoun a conscience d’être sur un modèle « startup », où « tu démarres avec des aides au départ, puis des prêts et des soutiens financiers, tu prends des risques pour commencer à construire ton produit, avant de pouvoir gagner de l’argent ». Il décide d’ailleurs de démarrer à fond Kiro à ce moment-là, où des business angels lui font confiance. Et là très vite, il se retrouve entouré de nouveaux acteurs : les investisseurs institutionnels.
S’investir avec ses partenaires
L’entrepreneur a débuté sa carrière en capital-investissement. “L’idée, c’était de voir de dans des endroits assez structurés et plus corporate, la manière de travailler ». Il cite des « notions d’exigence, d’excellence, de rigueur de méthode », mais aussi « une vraie compréhension de certains enjeux ». Et il va vite mettre à profit les notions de ses débuts.
« Être investisseur et entrepreneur, ce n’est pas la même chose, nous n’avons pas les mêmes métiers »
« Quand tu dois trouver des financements, discuter avec des investisseurs, tu as encore une nouvelle succession de trucs qui arrivent ». Pour l’entrepreneur, le propre de la start-up, c’est d’accepter que le retour sur investissement soit plus important lorsque le risque pris est plus élevé. Grâce à son parcours en capital-investissement, il sait que « être investisseur et entrepreneur, ce n’est pas la même chose, nous n’avons pas les mêmes métiers ». Il estime qu’il peut y avoir une relation saine avec ses investisseurs par rapport aux risques : « je sais que nous n’avons pas les mêmes métiers, pour autant, nous devons faire un bout de chemin ensemble et nous partageons le même objectif de faire que la société réussisse ».
S’entourer, c’est aussi trouver sa place
« L’équipe doit injecter son énergie dans le système, dans l’entreprise »
L’entrepreneur parle de « nouer des partenariats avec des gens de confiance ». Et les premières personnes en qui il faut avoir confiance, c’est son équipe en interne.
« On se pose des questions, comment je recrute, qui, combien je les paye ».
« Mon apprentissage du moment, c’est la communication d’énergie ». Lorsqu’on est CEO, on doit communiquer une énergie à ses équipes.
Mais pour Alexandre Guenoun, il y a un point important, c’est de sélectionner des gens avec qui travailler qui ne sont pas la pour te fournir cette énergie. « L’équipe doit injecter son énergie dans l’entreprise, pour une cause et une raison d’être commune ». Le fait d’être le fondateur d’une start-up peut aussi exposer a énormément de stress, explique Alexandre Guenoun. Mais ce stress ne doit pas être communiqué à l’équipe. « Cette notion de tectonique d’énergie, elle est passionnante, parce que c’est ça qui fait grossir une entreprise et qui permet de scale », conclu le fondateur de Kiro. Être entrepreneur c’est travailler pour que « chacun apporte de l’énergie à l’ensemble, sans piquer de l’énergie à l’autre, et garder 300% de son énergie pour que les choses se passent ».
Alexandre Guenoun tire des leçons de son parcours et des gens à qui il a fait appel. Mais « il y a des trucs qu’on n’apprend pas en conseil, c’est la résilience ». Il rappelle qu’on n’apprend pas à être entrepreneur. « Il y a des outils, c’est plus facile quand on les a, mais je pense que le parcours même de l’entrepreneur, c’est d’emmagasiner plein d’outils, de discuter avec les gens pour en apprendre encore davantage et après de se servir de cette boite à outils ». Une boite à outils qu’on ne peut pas délivrer a quelqu’un : « chaque entrepreneur est différent, il n’y a pas de profil type, chacun doit savoir trouver les bons outils, ça dépend des personnalités, ça dépend des boites, ça dépend des business”.