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Augustin, le bienheureux


Augustin Prot

Qui a dit que le parcours d’un entrepreneur devait obligatoirement être semé de difficultés, de pivots et d’échecs retentissants ? Augustin Prot, co-fondateur de WeGlot semble être le contre-exemple parfait de ce cliché. Fondée en 2016, WeGlot a été un succès rapide. La startup traduit actuellement plus de 50 000 sites internet partout dans le monde. C’est donc avec bonne humeur et un sourire désarmant de sincérité qu’il nous a raconté son parcours d’autant plus exceptionnel qu’il paraît teinté de beaucoup de simplicité et même d’une forme de sérénité.


La rencontre décisive avec son co-fondateur


À l’heure où il est de bon ton chez les entrepreneurs de démontrer une forme de sagesse acquise dans la douleur et de la restituer au moyen d’une dissection minutieuse — et parfois un peu complaisante — de ses échecs, Augustin Prot dénote. Le product market fit ? Grâce à l’expérience de son co-fondateur Rémi Berda, ils l’ont trouvé tout de suite. La rentabilité ? WeGlot l’a atteinte dès le lancement. Le premier million d’euros de chiffres d’affaires ? C’était moins de 2 ans plus tard. Une levée de fond ? Elle est réalisée très simplement dès 2018 avec Side Capital. C’est à se demander pourquoi les autres peinent autant. Alors quel est son secret ?


“Tout a commencé d’une manière très informelle”

Après la validation d’un master Finance à Dauphine, Augustin Prot se spécialise dans les fusions-acquisitions chez Lazard. L’expérience dure 3 ans. “À un moment, je me suis dit que la partie amusante, celle qui consiste à apprendre des choses était assez loin dans ce métier, j’avais besoin d’un environnement un peu plus inconfortable, et je me suis dit que le meilleur moyen pour le trouver, c’était d’entreprendre.” Il rencontre alors Rémy Berda, ex-Supélec et diplômé en ingénierie à la Columbia University, son futur associé. Augustin Prot le décrit avec un respect toujours teinté d’une forme d’admiration : “il avait déjà raté une première startup. C’était un site de petites annonces géolocalisées. Cet échec l’a probablement beaucoup aidé dans le développement de WeGlot et c’est ce qui m’a beaucoup aidé moi aussi à éviter de refaire les erreurs qu’il avait faites la première fois.” Lors de sa première création d’entreprise, Rémy Berda se heurte à un problème classique dans le développement web : la traduction de son site en plusieurs langues. Il décide donc que sa deuxième année de chômage sera consacrée à concevoir un service en Saas pour aider et accompagner les développeurs à traduire rapidement le front et le back de leur site.


“J’ai aimé la vision de Rémy qui consistait à dire que les sites Web allaient devenir un assemblage de solutions imbriquées entre elles.”

Ils se rencontrent et Augustin Prot le rejoint sur ce projet : “quand je l’ai rencontré, je pense que j’étais un peu moins doer que je ne le suis aujourd’hui. Ça m’a permis de débloquer une première étape et tout de suite, de commencer à faire. Au début, je ne me suis pas vraiment attaché au projet en lui-même, en revanche, je me suis tout de suite attaché à l’aventure humaine. Et dans un deuxième temps à la bonne l’exécution du projet.” Une rencontre et un match qui se fait comme le reste : simplement, sans heurt ni fracas : “au début, on a commencé à travailler ensemble de manière informelle. On ne s’est pas dit : c’est parti, on écrit les papiers, on rédige les statuts. Non. On s’est posé ensemble et au fur et à mesure du temps, je me suis intéressé au projet, j’ai commencé à apporter de la valeur et surtout, ça a fonctionné. C’est comme ça que ça a débuté. C’est seulement après qu’on s’est associé légalement parlant.”


Un lancement ciblé avec un produit maîtrisé


Coup de maître. Le projet fonctionne immédiatement. Leur credo ? Un seul produit qui ne doit répondre qu’à un seul problème et s’intégrer à la perfection dans l’environnement qu’ils sélectionnent. Les deux co-fondateurs s’inspirent alors de Stripe. La startup américaine, leader des paiements en ligne est connue pour nourrir une véritable obsession pour son unique solution et son unique problème. “Pour la distribution de notre produit, on a rejoint très progressivement différents écosystèmes. Actuellement, pour construire un site, on passe généralement par un CMS. Nous par exemple, on a lancé notre propre site sur WordPress. C’est donc tout naturellement l’écosystème qu’on a ciblé en premier. Au début, notre solution, on ne l’a lancée que sur WordPress. Ensuite, on l’a proposée sur Shopify. Dans un premier temps, notre développement consistait à être très pertinent dans ces écosystèmes, là, et seulement ceux-là. C’est seulement plus tard qu’on a lancé une version dite “universelle” que tout le monde pouvait utiliser.” Leur solution traduit immédiatement tout le contenu d’un site en s’appuyant notamment sur les fournisseurs de traductions automatiques. Et ça fonctionne. 50 000 sites dans le monde sont aujourd’hui traduits par WeGlot. Ils comptent même quelques grands comptes à leur actif, et notamment IBM.


“C’est de la bonne utilisation que naît la qualité et l’innovation produit.”

De leur service d’usage découle un business model simple et clair qui semble (lui aussi) évident dès le départ : une période d’essai gratuite suivit par un abonnement proposé à un tarif accessible, et un taux de conversion autour de 10%. Si les utilisateurs résilient leur abonnement, ils conservent leurs traductions mais doivent réaliser leur intégration eux-mêmes. “Notre business model a été assez simple à trouver, en revanche, on a beaucoup itéré sur les différents plans. À un moment, par exemple, on a proposé un accès illimité. Bon. On l’a vite arrêté, car forcément la valeur client décroît dans le temps bien sûr, mais c’était également un modèle nocif pour le produit. Certains utilisateurs avaient un mauvais usage du plan illimité or, pour avoir une bonne dynamique sur l’innovation produit, c’est important d’être dans le contrôle, c’est-à-dire d’éviter d’avoir des interruptions de service parce que 5 % des utilisateurs abusent de leur plan illimité.” Sur ce point, ils s’inspirent de la vision de Datadog et de la capacité de la startup américaine à encourager une utilisation vertueuse du produit, plutôt que de chercher à tout prix à augmenter le panier moyen. “C’est de la maîtrise que naît la qualité produit. Il y a une forme de confiance qui s’établit entre l’utilisateur et le fournisseur de service. Ça fonctionne vraiment dans les deux sens.”


“Permettre à son équipe de faire ce qu’elle aime, de manière performante, dans de bonnes conditions”

À la question, “qu’est-ce qu’être un bon dirigeant aujourd’hui ?” Augustin Prot répond avec une grande simplicité : “être un bon dirigeant, c’est différent d’être un bon CEO. Un bon dirigeant, il doit permettre à son équipe de faire ce qu’elle aime. Il doit offrir un cadre qui permet à chacun d’être performant. D’une certaine manière, c’est être le support de l’équipe… avec une vision bien-sûr ! Mais une vision que l’on n’a pas conçu seul.”


À l’exaltation ambitieuse du startuppeur, Augustin Prot semble préférer une posture plus calme, un management bienveillant centré sur la valeur apportée à l’ utilisateur. Et en même temps, quand tout fonctionne si bien, si simplement, à quoi bon s’agiter en vain ?

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