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Caroline, à la loyale


Caroline Semin

Elle nous a donné rendez-vous dans un bar baptisé « La Favorite » et, bien sûr, il est tentant d’y lire un indice, surtout lorsqu’on sait que Caroline SEMIN tient les commandes de l’entreprise familiale avec son père dans un duo remarqué et atypique.


Mais la jeune femme est un personnage plus complexe que celui de la brillante héritière. Entre aplomb, loyauté et esprit de conquête, elle tient plutôt… du soldat. Elle n’avoue d’ailleurs qu’une seule angoisse : celle de mourir.


Rencontre avec un drôle de soldat, blond et gracile.


La première fois que nous l’avons entendue, c’était en 2019, sur la scène de BPI France : Caroline était l’une des trois entrepreneurs du forum « Big » (BPI Inno Génération) chargés de poser une question à Emmanuel Macron. Elle prenait le micro en premier et, très à l’aise, s’attachait à valoriser la capacité d’innovation de groupes comme le sien – beaucoup moins exposés à la lumière que les start-up de la Tech parisienne.

Deux ans plus tard, lorsqu’elle revient sur cet épisode, c’est avec humour : « On m’avait demandé si j’étais OK pour poser une question au président, au “PR” exactement. Moi, j’ai pensé qu’il devait s’agir du président de la BPI. C’est seulement plus tard que j’ai compris que le PR, c’était le Président de la République ! Et qu’en plus, j’avais plusieurs minutes pour m’exprimer. Bon… J’ai foncé ! »


On devine que Caroline « fonce » souvent


Sixième génération aux commandes d’un groupe industriel – Semin est spécialisé dans les produits de construction et notamment les enduits pour les joints de plaques de plâtre –, elle a pris en 2017 le rôle de DG après une première expérience dans le Bâtiment : « dans une entreprise tierce – je ne voulais pas entrer directement chez Semin, je tenais à faire mes armes ailleurs. »


Caroline souligne à plusieurs reprises le plaisir qu’elle ressent à travailler en famille. Elle décrit un père attentif qui ne tient guère à ce qu’elle prolonge ses cours de pilotage, mais aussi un BizDev dans l’âme, doué d’une excellente capacité d’anticipation. « Il m’avait dit : “Tu rejoins la boîte si tu en as envie – et si tu t’en sens capable.” Lui-même a failli ne pas y entrer, c’était le petit dernier de six enfants. Il avait entrepris des études de médecine, puis songé à l’architecture, avant d’être rattrapé par le destin familial. Il est arrivé là presque par accident et il a fait grandir Semin. Il a toujours eu des relations houleuses avec mon grand-père… Alors, nous sommes heureux, lui et moi, d’opérer le mouvement inverse. Nous nous entendons à merveille. »


Semin aujourd’hui, ce sont trois actionnaires : le père et ses deux filles. Il n’y a pas de figure maternelle sur cette scène-là. Alors, de quelle place Caroline dispose-t-elle pour se faire un prénom ? « Plus ça va, plus je prends conscience de l’ampleur de la tâche. C’est un gros bateau à manœuvrer, avec 12 sites, 200 000 tonnes de produits par an et des ventes dans 67 pays – 40 % de notre chiffre d’affaires. Je travaille surtout sur le développement commercial et la R&D. »


Depuis qu’elle est entrée au Comex, Caroline a vu doubler le nombre de collaborateurs. Semin a élargi ses gammes en montant des usines et en rachetant des fournisseurs. Il y a chez sa DG un curieux mélange de détermination et de souplesse. Celle qui a travaillé en restauration et qui a été hôtesse sur les plateaux TV, a trouvé une autre manière de jouer avec son image, de montrer que tout est possible. « Être viril, ça veut dire quoi ? C’est être fort. Stable. Fiable. Alors, ce n’est pas être masculin, ou féminin. »

Climat social, difficultés d’approvisionnement, enjeux écologiques… Caroline évoque son quotidien de « bosseuse » et reconnaît avoir du mal à lâcher prise. « J’apprends progressivement à accepter que tout ne soit pas parfait. » Elle se déclare « entrepreneuse », bien plus que dirigeante ou cheffe d’entreprise. « On ne parle pas assez des repreneurs. Entreprendre, ça veut dire oser, avoir envie, embarquer les équipes, être un moteur. Je ressens une vraie rage d’innover, de développer des produits qui n’existent pas et de marquer l’Histoire. On y travaille avec passion. »


Le plus important, c’est de s’écouter et de savoir que la priorité, c’est l’entreprise, avant soi.


«Chaque génération a la tentation de laisser son empreinte. Mais le plus important, c’est de capitaliser sur les forces – ce qui fait que la boîte est là. Pour canaliser les egos de chacun, le plus important reste de s’écouter et de savoir que la priorité, c’est l’entreprise, avant soi. »

D’ici cinq ans, Caroline sera seule dans le cockpit. Son père lui aura cédé la place. « Je vis pour la boîte. Je m’éclate. Je travaille beaucoup et j’adore ça. Mais je ferai de la place pour fonder ma propre famille quand le moment sera venu… Tout comme mon père l’a fait en son temps.»


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