top of page

Clarisse Le Court, Sort de l'arène

Clarisse Le Court

« Il y a dans le monde deux fois plus d’anus que de vagins. »

La formule, qu’elle a employée en fin d’interview, est typique de Clarisse LE COURT, fondatrice de Claripharm.

Directe, très rationnelle, elle manie également un humour subtil, entre provocation et ironie, qui lui a sans doute permis d’enfoncer pas mal de portes – sans brusquer personne.

Depuis que nous l’avons rencontrée, elle a d’ailleurs réussi sa seconde levée de fonds.


En voilà une qui n’a pas peur qu’on lui colle une étiquette sur le front. Clarisse Le Court a fondé son entreprise en 2013, un an après avoir accouché de son deuxième enfant, une petite fille, et avoir découvert dans la douleur le manque de produits d’hygiène intime pour les femmes.


Le sens du commerce


Mais ne brûlons pas les étapes. Ergothérapeute, Clarisse avait 22ans et suivait une formation de kiné lorsqu’elle a trouvé un job dans une start-up filiale de Johnson & Johnson. « J’étais partie pour être une soignante, je n’avais pas fait d’école de commerce, mais là… J’ai compris que le commerce, c’était mon truc », raconte-t-elle.


Elle rejoint ensuite une PME spécialisée dans les implants chirurgicaux et, durant plus de dix ans, gravit les échelons jusqu’à devenir responsable grands comptes. On l’a compris, Clarisse s’est formée à la dure, sur le terrain. «La meilleure école», assure-t-elle.


Passionnée par l’aspect réglementaire et par les normes de qualité qui encadrent les dispositifs médicaux, elle sait déjà qu’elle restera dans ce milieu. Et elle nourrit, au fil du temps, un rêve ancien : lancer sa propre entreprise. « Je me sentais comme un taureau dans une arène, je cherchais l’issue. J’ai toujours voulu entreprendre. J’ai vu mes parents travailler énormément. J’ai été élevée dans la culture du travail et le respect du patron. »


De l’escalade dans les escaliers


En 2012, à la naissance de la petite Gilda – 4kilos, pas d’épisiotomie,13 points de suture – Clarisse trouve enfin « son» idée, en montant les escaliers de la maison de ses parents. «À chaque fois que je me levais, j’avais l’impression de faire de l’escalade. Je n’ai pas pu m’asseoir pendant un mois. Je n’avais aucune solution pour me soulager. Il n’existait aucune étude clinique, aucun traitement non plus. Ça m’a mise en rage. Je me suis dit : “Il faut que tu inventes un truc.” »


Clarisse invente donc ClariCare, une coque souple de confort et de protection des parties intimes féminines.

« J’ai changé de nom, bien sûr ! »


Étude de marché, brevet déposé à l’international, avec 159 millions de naissances dans le monde et une femme sur deux concernées par des douleurs intimes, la jeune femme n’a pas de problème de taille de marché.

« C’est un produit tout simple, mais auquel personne n’avait pensé. »


Un départ en binôme, avant de s’autoriser à avancer seule


Clarisse cependant n’a pas osé y aller seule. « Je me suis associée avec mon ancien DG. Pour le dire clairement : je n’ai pas eu les couilles de créer l’entreprise toute seule. J’étais follower. Je l’appréciais, j’ai eu besoin de son audace, et puis ensuite, ça ne s’est pas bien passé entre nous. Quand il est parti, trois ans plus tard, j’ai douté de ma capacité à manager. »


Claripharm compte à ce stade 4 salariés et commence tout juste à vendre en pharmacie, sans être encore rentable. «Finalement, quand on sait gérer un foyer, on sait gérer une entreprise. Il faudrait des déclics de confiance en soi. Tout le monde n’a pas des parents entrepreneurs. Pour mon fils, qui a 20ans et se sent déjà porté vers l’entrepreneuriat, ce sera plus facile, il a un réseau. »


Je n’envisage pas de me réassocier – sinon peut-être avec mes salariés.

Très vite, Clarisse se sent « libérée ». « J’ai toujours eu des actionnaires, des financiers. Je n’envisage pas de me ré-associer – sinon peut-être avec mes salariés… Elle baisse la voix. Quand j’étais salariée, j’aurais adoré ça, que mon boss me dise : “Tu fais partie de l’entreprise, tu es dans le match.” »


S’appuyer sur le temps


Pour passer de la femme qui doute à la femme qui fonce, Clarisse raconte une «mue » qui s’appuie sur le temps, l’expérience, les «gamelles».

«En vieillissant, on prend de l’épaisseur, on sait ce qu’on veut et du coup, c’est plus simple. Maintenant, je sais dire non. »


Elle est convaincue que tout le monde peut entreprendre : «Si je l’ai fait, tout le monde peut le faire. On ne se doute pas de la force, du pouvoir, de l’engagement qu’on peut trouver en soi. Je ne me sens jamais seule et je savoure chaque étape que nous franchissons. »


Un sujet politique, par nature


Les prochains caps sont nombreux, tant commerciaux que politiques, même si Clarisse se défend de s’intéresser au lobbying : s’implanter dans deux pays chaque année, lancer deux produits par an également, devenir le référent mondial en matière de santé de la femme, contribuer à la ré-industrialisation de la France en produisant le plus possible sur le territoire, travailler sur la précarité menstruelle, militer en faveur d’une réglementation européenne pour certains produits féminins non classés comme dispositifs médicaux… et sortir une gamme pour les hommes. On en revient à notre comptabilité des anus : «Hémorroïdes, cancers de la prostate… Les hommes, eux aussi, ont parfois des difficultés pour s’asseoir.»

bottom of page