C’est un habitué de l’hyper-croissance. Wale Gbadamosi-Oyekanmi, fondateur de l’agence Dare.Win en 2011, a multiplié en moins de dix ans les clients prestigieux et les embauches, tout en diversifiant son activité : entertainment, consulting et production. Confronté à sa première crise – et elle est brutale – le jeune homme réagit avec ses armes habituelles : créativité et humilité.
Pas simple de gérer une crise quand on n’a pas toute la journée devant soi !
Wale, qui est papa d’une petite fille de deux ans, jongle entre télétravail et activités parentales. « Comme tous les parents, mon temps ne m’appartient plus. Pas simple de gérer une crise quand on n’a pas toute la journée devant soi ! D’autant plus que nous sommes plongés dans un paquet d’incertitudes, la notion de contrôle a disparu, on doit piloter les yeux fermés. Et les oreilles fermées aussi… parce qu’il y a trop de bruits, trop d’informations contradictoires. »
Le dirigeant s’est recentré sur ses fondamentaux, sur ses valeurs : « Dès les premiers jours, nous avons organisé une session de travail collective et nous avons passé en revue tout ce en quoi nous croyons. Notre métier est de divertir, quel que soit le contexte. En ce moment plus que jamais, le besoin de divertissement est là. Et l’offre culturelle explose, ce que je trouve formidable Nos métiers se chargent de sens. »
Se concentrer sur les fondamentaux du business : divertir
Warner Bros, Netflix, Canal +, YouTube, M6… les références de Dare.Win en disent long sur la capacité de séduction de l’agence, qui mobilise aujourd’hui 75 salariés. Wale a su faire du divertissement son métier et il est plus habitué à un rythme frénétique qu’à la paralysie soudaine du confinement. Chez Dare.Win, d’ordinaire, on n’a pas besoin de prospecter.
D’ailleurs, l’agence n’a pas de commerciaux. Il faut plutôt du monde pour décrocher le téléphone et gérer les demandes ! Alors forcément, depuis que la crise Covid-19 est venue frapper de plein fouet le monde de l’événementiel, sonnant l’heure des reports voire des annulations de contrats, l’ambiance a changé.
« Je sais gérer la croissance. Là, je dois apprendre à gérer la récession. »
« Nous avons perdu deux millions d’euros de chiffre dès les trois premières semaines », annonce sobrement Wale. « C’était rude. Moi j’ai connu huit ans de croissance, je sais gérer la croissance. Là, je dois apprendre à gérer la récession. Honnêtement, j’ai d’abord plongé en enfer.
Mais il y a quatre ans, notre responsable administratif avait failli planter la boîte en détournant une somme importante. On avait rebondi, on avait musclé sensiblement la comptabilité et la trésorerie. C’est ce qui nous sauve aujourd’hui. J’en tire la conviction que chaque crise nous aide à traverser la suivante. Ce que nous apprenons aujourd’hui avec le Covid-19 nous sauvera demain. »
S’appuyer sur la fédération de sa corporation pour négocier avec l’Etat
Belle capacité de résilience. Assez vite, le fondateur de Dare.Win a pris des mesures de chômage partiel pour les deux tiers de ses effectifs. « Notre fédération nous a aidés à interpréter les dispositifs d’aide gouvernementale, initialement plutôt confus. Le poids du nombre est important dans ces cas-là. »
Wale s’est également construit une boussole, en imaginant plusieurs scénarios, à l’image des stades 1, 2 et 3 de l’épidémie. Le scénario le plus lourd, équivalent du stade 3, n’aura a priori pas besoin d’être activé. Depuis les annonces gouvernementales du13 avril, l’entrepreneur voit l’horizon se dégager – progressivement.
Mise à disposition d’un psychologue du travail pour les équipes
« La ligne est définie, même si elle reste mouvante. La reprise ne sera pas rapide. Les rassemblements seront probablement annulés pour tout été, on part donc sur septembre. Avec le comité de direction, nous avons pris acte d’une saison morte, jusque juin. Mi mai, nous organiserons une plénière pour toute l’équipe, pour expliquer ce qu’on a perdu et on on va. »
En attendant, Wale met à disposition de ses collaborateurs un psychologue du travail, consultable à volonté. « Beaucoup de salariés vont vivre d’importantes remises en question : dans les six mois qui viennent, je m’attends à des reconversions, à des passages à temps partiel, à du turn-over. »
« Je m’assure que mes clients actuels vont bien »
Parmi les opportunités du « monde d’après », Wale entrevoit celle-ci : le développement significatif de ses activités de conseil. « Je vois l’épisode actuel comme une chance de développer d’autres business models. J’y travaille activement. »
Le confinement aura digitalisé le pays, de gré ou de force. « Alors en sortie de crise, de nombreuses entreprises vont avoir besoin d’expertises numériques, sans toutefois pouvoir embaucher. Nous pourrons répondre à cette demande. Et d’ici là, je prends soin de nos clients actuels, pour m’assurer qu’ils sont heureux. Nous produisons aussi pas mal de contenus, afin de rester visibles et intéressants. »
Quant au déconfinement le 11 mai, il reste plutôt sceptique sur la réouverture des crèches et écoles en mai (« Ce sera peut-être trop risqué d’y renvoyer nos enfants »)…
Portrait réalisé en Avril 2020 et rédigé avec ♡ par Florence Boulenger.